Compte rendu de la formation au counseling VIH de professionnels de santé et de volontaires associatifs à Saint Martin (Guadeloupe, Antilles françaises). Copyright © 2001, Comment Dire

Catherine Tourette-Turgis

Le compte rendu ci-après a notamment pour objectif de mettre à la disposition des formatrices et des formateurs un exemple de contenus d'une formation courte de 4 jours sur le thème du counseling VIH.
Ces contenus sont présentés sous la forme d'activités. La plupart des activités précise les objectifs poursuivis (ou le thème exploré lorsque l'activité consiste en un débat ou en l'entraînement à la conduite d'entretien counseling) et donne lieu à une synthèse.

Nous tenons à remercier l'association "SIDA/Les liaisons dangereuses" ainsi que Catherine Tourette-Turgis, qui a animé cette formation et rédigé ce document, de nous avoir autorisé à le publier ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. Contexte institutionnel, organisationnel et épidémiologique de la demande de formation

La demande de formation émane de l'association "SIDA/Les liaisons dangereuses" qui est une association loi 1901 qui gère la seule consultation de dépistage anonyme et gratuit existant sur la partie française de l'île Saint Martin (île franco-hollandaise). La formation, entièrement financée par la Direction Départementale de l'Action Sanitaire et Sociale (DDASS) de la Guadeloupe, s'est déroulée les 12-13 et 16-17 octobre 2000 dans les locaux de l'association.

A ce jour, le bilan des activités de l'année 1999 montre que l'association gère par le biais de conventions :

- une consultation de dépistage anonyme et gratuit du VIH et du VHC
- la mise en œuvre d'actions de prévention
- un centre spécialisé de soins aux toxicomanes
- un comité de prévention de la délinquance et de la toxicomanie.

Ouverte du lundi au vendredi, l'association reçoit dans ses locaux matérialisés en un Centre de Prévention de la Santé (une grande salle d'accueil, trois petites salles de consultations, une salle de réunion) un public assez hétérogène. Fin 1999, l'association enregistrait un total de 2124 visiteurs avec une répartition égale entre hommes et femmes. C'est un lieu d'écoute, de conseil, d'orientation mais aussi un lieu de dépistage pratiquant des consultations médicales et les actes de laboratoire sont effectués par un laboratoire extérieur. Ainsi en 1999, le centre a effectué 307 tests de dépistage (pour 659 demandes). L'arrivée d'une assistante sociale, en octobre 1999, a augmenté immédiatement le nombre de passages dit "sociaux". Au 30 juin 2000, 399 personnes étaient venues pour rencontrer l'assistante sociale. La mise en place du Centre Spécialisé de Soins aux Toxicomanes (C.S.S.T.) fait qu'en juin 2000, 187 passages de personnes toxicomanes étaient enregistrés au C.S.S.T.

Il y a autant de cas de SIDA à Saint Martin que dans la Guadeloupe tout entière alors que Saint Martin compte 10 fois moins d'habitants (35 000 habitants).
Par ailleurs, l'équilibre des populations vivant sur l'île est très fragile (problème d'emploi, de logement, d'éducation, personnes en situation irrégulière de séjour sur l'île).
Les femmes enceintes représentent entre 2,5 et 2,8 % des cas de séropositivité alors qu'en métropole elles représentent 0,25%. Parmi ces femmes enceintes, 85% sont Haïtiennes. Les laboratoires d'analyse biologique ont découvert 630 séropositivités mais seulement 230 cas de séropositivité sont connus de l'hôpital. Il y a donc un grand nombre de "perdus de vue" qui ne bénéficient ni de suivi ni de soin. L'hôpital reçoit essentiellement des personnes qui sont dans un SIDA inaugural (90 % des cas). On évalue le nombre de personnes séropositives à 1500-2000 mais seulement 300 personnes environ connaissent leur séropositivité. Le mode de contamination est essentiellement hétérosexuelle. Il y a plus de femmes que d'hommes qui apparaissent dans les chiffres en raison de l'existence d'un dispositif de dépistage des femmes enceintes et de l'inexistence de dispositif de proposition de dépistage envers les hommes. La toxicomanie signifie la cocaïne et le crack et il y a peu d'héroïne qui circule sur l'île. Les toxicomanes ayant été contaminés par voie intraveineuse sont essentiellement des métropolitains.

La formation intervient en fait dans un contexte d'affaiblissement des dispositifs de prévention à Saint Martin. Beaucoup de choses ont été faites mais les acteurs (Association " SIDA/ Les Liaisons dangereuses ") sont essoufflés (burn out ?). Par ailleurs, le docteur Philippe Claudel, praticien hospitalier en charge d'une file active de patients séropositifs au VIH sous traitement, est confronté à un nombre important de perdus de vue, à un accueil des malades à un stade trop tardif et à la complexité de l'éducation des patients dans un contexte multiculturel. Dans ce contexte, la formation avait un objectif de remobilisation mais aussi d'aide au recrutement et au renouvellement des équipes. En ce sens, la formation, au-delà des objectifs initiaux énoncés en termes de connaissances, compétences et attitudes à acquérir, à maintenir ou à actualiser, avait un objectif implicite de mobilisation des acteurs de la prévention et du soin.

2. Les objectifs de la formation

Il s'agissait de doter les participants de compétences de base en counseling VIH pour qu'ils puissent les utiliser dans le domaine de l'accueil, de l'entretien de prévention et de l'observance thérapeutique.

3. Le groupe en formation

Le groupe en formation se compose essentiellement des acteurs et volontaires de l'association "SIDA/Les liaisons dangereuses", d'infirmières du Centre Hospitalier de Saint Martin, d'une infirmière d'un dispensaire, d'un infirmier psychiatrique intervenant dans un Centre Médico-Psychologique (C.M.P.), d'une psychologue du Centre Hospitalier de Saint Martin.

Le groupe est très hétérogène en termes de niveau de formation différent, d'origine géographique et culturelle différente, mais avec une demande de formation forte et un haut niveau d'engagement et d'implication.

Le nombre de participants au stage ira croissant entre le premier et le dernier jour où 17 personnes seront présentes. Les personnes qui rejoindront le groupe en cours de route seront deux assistantes sociales, les deux médecins VIH et la psychologue du Centre Hospitalier de Saint Martin. Fermer le groupe aurait été inapproprié, il a donc fallu régulièrement faire un état des lieux du groupe et du stage au fur et à mesure que les participants allaient et venaient.

Dans le groupe, le français est la langue maternelle d'origine ; deux stagiaires sont d'origine haïtienne. Le groupe comporte une majorité de femmes, il y aura au maximum 4 hommes dans le stage ce qui posera parfois des difficultés dans certaines activités fondées sur la distinction des genres.

4. Contenus de la formation

Jour 1 - Présentation de soi - Analyse des besoins - Evaluation des ressources du groupe - Le concept de risque.

Activité 1. Présentation croisée
Objectifs : Faciliter la communication entre les participants, ouvrir le stage sur l'altérité, créer des liens entre les participants.

Activité 2. Mise en place du contrat de stage
Objectifs : Mettre en place les règles du groupe comme la confidentialité, le droit de dire "stop" dans les jeux de rôle, la possibilité de s'adresser à la formatrice dans les pauses s'il y a des choses qu'une personne n'a pas pu exprimer en groupe, la participation active du groupe à la régulation du groupe, les règles des horaires et des pauses, la présentation du pré-programme et la discussion des options et modalités d'application du programme au groupe.

Activité 3. Les ressources des participants
Objectifs : L'animatrice demande aux participants de se mettre en petits groupes pour explorer le thème suivant : "Lorsque vous avez besoin d'aide, à qui faites-vous appel habituellement".
Résultats de l'activité : Il apparaît que très peu de personnes font appel aux autres en cas de difficultés. Très vite, les participants évoquent le vécu insulaire qui, d'un côté les éloigne de leur famille et de l'autre ne leur garantit pas la confidentialité. Comme l'exprime une participante : "Si je me confie, je suis sûre que tout ce que je dis va circuler dans toute l'île qui est si petite que tout se sait." La plupart des stagiaires disent qu'ils comptent sur eux-mêmes pour s'en sortir. Quelques-uns font appel à Dieu, notamment un homme du groupe (ils sont deux le premier jour). Les stagiaires discutent en grand groupe la diversité des situations dans lesquelles on peut avoir besoin d'aide. Il peut s'agir d'un problème à résoudre ou d'une crise causée par un événement inattendu auquel il est difficile de faire face.

Je propose alors au groupe de lister les ressources dont disposent leurs clients lorsqu'ils ont besoin d'aide et qu'on explore ensemble les points suivants :

- De quelle type d'aide a-t-on besoin lorsqu'on est séropositif ?
- Où peut-on la trouver à Saint Martin ?
- Que signifie au sens large la notion de "relation d'aide " ?

Le groupe dit qu'il n'y a pas de groupes de paroles proposés en tant que tels, pas de numéros verts, pas d'espace indiqué comme tel où les personnes séropositives pourraient bénéficier de groupes d'auto-support. Les personnes sous traitement peuvent parler avec les infirmières, l'assistante sociale et les médecins de l'hôpital. De nombreuses autres personnes viennent à l'association "SIDA/Les liaisons dangereuses " pour s'informer à titre individuel. Par exemple, sur 2124 passages à l'association en 1999, on note 487 demandes d'information. On note aussi que 97 personnes malades sont venues. Les participants pensent qu'il n'est pas possible d'organiser des groupes de paroles à cause des problèmes liés au risque de rupture de la confidentialité.

Une synthèse finale présente, à l'aide de transparents, une définition du counseling et de ses champs d'application et invite les participants à discuter les définitions proposées.

Activité 4. Les concepts de prise de risque et d'exposition à un risque
Objectifs : Permettre aux acteurs de prévention d'explorer la notion de risque en partant d'eux-mêmes de manière à les aider à aborder cette notion avec leurs publics : "La dernière fois que vous avez pris un risque ou que vous avez été exposé à un risque, qui vous a aidé, qu'avez-vous appris ?"
Il s'agit d'explorer les procédures de décision face au risque, d'explorer la notion de risque à travers la notion d'interaction, d'évaluer les limites des programmes centrés sur l'apprentissage d'habiletés préventives si ces programmes n'envisagent pas d'autres notions très présentes dans des situations à risque comme la notion de négociation, d'interaction, d'influence, de relation de dépendance, de pouvoir, d'autorité, etc.

Résultats de l'activité 4 : Les personnes ont évoqué des situations aussi diverses que des risques financiers, professionnels, sportifs, sanitaires, sexuels. Les stagiaires disent avoir finalement expérimenté les deux versants du risque, prendre un risque ou être exposé à un risque. Les participants évoquent leur solitude et le fait qu'ils comptent essentiellement sur eux-mêmes pour s'en sortir. Certains attribuent le risque pris à un échec dans une prise de décision : " Je n'aurais jamais dû faire cela, croire cela, accepter cela, etc. ". D'autres au contraire attribuent le risque à un choix préférentiel. "J'avais le choix entre deux options, j'ai choisi". Les participants notent majoritairement qu'ils ont appris des choses qui ont modifié leurs valeurs, leurs croyances, leurs pratiques. Certains considèrent même que le risque auquel ils se sont exposés ou ont été exposés leur a permis d'introduire des changements dans leur vie.

Synthèse intermédiaire : Précision sur l'utilisation de la notion "avoir été exposé à un risque". J'ai introduit la notion "avoir été exposé à un risque " car dans la littérature sur le risque, on découvre que l'individu peut être mis dans une situation à risque par un tiers. C'est le cas des jeunes qui n'osent pas refuser de monter dans la voiture du copain qui a bu, c'est le cas de la femme qui n'ose pas refuser une relation sexuelle, c'est le cas du passager d'une voiture dont le chauffeur dépasse les limitations de vitesse ou enfreint les règles du code de la route.
Introduire l'autre dans la notion de situation risque permet de déloger l'idée de la toute puissance de l'individu qui aurait le pouvoir de se protéger. Introduire l'autre, c'est introduire les concepts d'interaction, d'intersubjectivité, de relations.

La synthèse finale de l'activité propose de distinguer des notions clefs comme la notion de risque, de prise de risque, de prise de décision face au risque, de risque préférentiel. Elle fait le lien entre l'activité de formation et la prévention en invitant les participants à voir comment introduire dans un entretien de prévention la notion de risque. Elle cite les échelles de risque existantes, l'image de la pyramide pour évaluer risque faible, risque élevé, etc. Elle ouvre à une présentation qui aura lieu ultérieurement et qui repose sur l'enseignement des habiletés préventives pour faire face au risque articulé à un enseignement de techniques de négociation et ouvrant à un questionnement sur la nature des interactions spécifiques, par exemple comme dans le domaine des relations sexuelles.

Activité 5. Approche médicale avec le Dr Philippe Claudel (sous forme de questions/réponses)
Objectifs : Actualisation des connaissances médicales sur l'épidémiologie, l'infection à VIH, les traitements antirétroviraux, les effets secondaires, les nouvelles stratégies thérapeutiques, la transmission mère-enfant, l'observance thérapeutique.

Synthèse : Au-delà des thèmes énoncés, le groupe a posé beaucoup de questions sur les modes de transmission, et ce d'autant plus qu'une soignante dans le groupe a été confrontée à un Accident d'Exposition au Sang (AES). Des questions ont été posées sur la durée de vie du virus à l'air libre, sur les modes de transmission des hépatites, sur les dispositions funéraires, sur les tatouages, sur la déclaration obligatoire de SIDA, sur les pratiques de tests à l'insu, sur les modalités d'accès au soin et les problèmes d'autorisation provisoire de séjour des malades originaires des autres îles des Caraïbes.

Jour 2 - Entraînement à la pratique du counseling.

Activité 1. "Les modalités de communication non verbale dans la société créole et la culture haïtienne. Comment pratiquer l'écoute active ?"
Discussion par petits groupes et en grand groupe (le groupe est suffisamment structuré, même s'il reste encore des points à consolider, pour permettre la prise de parole et de petits jeux de rôle et mises en situation sur ces thèmes).

Activité 2. Simulation d'un entretien pré-test dans le cadre d'une demande volontaire de dépistage VIH (Mise en situation).

Synthèse : Pendant les jeux de rôles, ayant observé que les professionnels d'origine haïtienne croisent leurs bras dès lors qu'il s'agit d'aborder un thème grave, les participants m'ont expliqué que croiser les bras n'étaient pas un geste de retrait mais l'adoption d'une posture qui signifiait que l'écoutant prenait la situation au sérieux et qu'on allait passer dans le dialogue à un autre niveau de communication.

Activité 3. La technique de la question ouverte.
Mini-exposé. Entraînement lors de mises en situation par deux en grand groupe.

Activité 4. La technique de la confrontation
Mini-exposé. Entraînement lors de mise en situation.

Synthèse : Cette activité est très utile pour mettre en évidence les contradictions, les conflits intérieurs et les clivages en jeu dans les difficultés de prévention. Elle est facile d'emploi et permet au client d'aller plus loin. Globalement, elle se pratique sous la forme : "A la fois vous dites que …, et en même temps vous dites aussi que …, finalement, quelle est vraiment votre conviction ou votre croyance ou votre pensée… ? "

Activité 4. Comment établir un diagnostic de prévention ?
Mises en situation. Les participants sont invités à analyser des situations de prévention mettant en jeu des personnes de différentes cultures, d'orientation sexuelle différente, des hommes, des femmes, des jeunes d'âge scolaire. Il s'agit de faire un diagnostic de prévention. Le client a-t-il pris une décision ? Laquelle ?

Résultats de l'activité :
Il ressort des cas présentés les obstacles suivants à la prévention : la soumission psychologique au partenaire, la prise d'alcool, la gestion d'un événement imprévu dans une relation, la peur de déroger à sa propre image, la peur de confronter son partenaire, les rapports de dépendance à l'intérieur du couple, les fausses croyances, le manque de mise à disposition des préservatifs (jeunes).
La notion de prise de décision a été analysée en reprenant les concepts développés dans la synthèse de l'activité du premier jour sur l'exposition à un risque. Le concept de risque préférentiel est un concept important dans l'analyse de l'acceptation de l'exposition au risque chez les femmes : " Je fais ce choix de risque face à un autre plus difficile à gérer pour moi…".

Synthèse de la journée : Révision de concepts comme la prise de décision face au risque. Le risque préférentiel. Les relations de dépendance. L'interaction sexuelle. Exposition ou prise de risque ? Pourquoi utiliser des techniques d'entretien ? Les techniques de base du counseling. L'attitude d'écoute.

Jour 3 - Les thèmes difficiles à aborder en counseling : la sexualité.

Activité 1. Quelles sont les motivations en jeu dans une relation sexuelle ?
Discussion par petits groupes et présentation des résultats des groupes par un rapporteur.

Résultats de l'activité : Il apparaît dans le groupe différents types de motivations : on fait l'amour parce qu'on est amoureux, parce qu'on veut se relaxer, parce qu'on veut prouver à son partenaire quelque chose, parce qu'ont est énervé, en colère, parce qu'on veut consoler sa partenaire, parce qu'on veut faire un enfant, parce qu'on n'a pas le choix, parce qu'on veut faire plaisir à sa ou son partenaire, parce que son partenaire en a envie, parce qu'on en a envie, etc.

Synthèse : L'intérêt de lister ces items permet de mieux comprendre en quoi la prévention ne peut pas tenir un discours unilatéral sur la sexualité. Il y a des enjeux pulsionnels et psychiques dans la sexualité.
La sexualité a lieu entre deux personnes mais l'acte sexuel n'a pas forcément le même sens pour chacun des partenaires. Comment explorer en prévention les motivations sexuelles en lien avec l'usage ou non du préservatif ? Est-ce que certains fantasmes sont des obstacles à la prévention ?

Activité 2. Négocier l'usage du préservatif
Mise en situation : Comment négocier l'usage du préservatif lors d'une première rencontre ? Comment faire pour que les deux partenaires soient gagnant-gagnant ?

Résultats de l'activité et Synthèse : La séance de travail sur la négociation du préservatif a fait surgir un débat à l'intérieur du groupe sur le fait que la proposition du préservatif par une femme représente une transgression dans les relations sexuelles.
Il existe dans chaque société des codifications culturelles rigoureuses et précises qui établissent ce qui est licite, acceptable ou non dans les relations sexuelles. Par exemple, on ne peut pas jeter à terre un préservatif après usage car cela reviendrait à transgresser la frontière qui doit être maintenue entre la terre et une substance corporelle comme le sperme.
La personne qui propose le préservatif risque d'apparaître aux yeux de l'autre comme celle qui se méfie, l'autre étant perçu comme à risque. Inversement, elle peut tout aussi bien apparaître comme impure aux yeux de l'autre qui se perçoit comme "pur".
Il est difficile d'être gagnant-gagnant dans la négociation du préservatif si on ne l'est pas dans la relation tout court. Il y a des enjeux de dépendance émotionnelle et économique qui sont contradictoires avec le gagnant-gagnant. Le débat en grand groupe glisse sur les rapports de pouvoir homme-femme, la victimisation des femmes. On le repositionne en tentant d'y introduire une question : Quels sont les zones de domination dans un couple et comment le pouvoir se répartit à l'intérieur d'un couple ? Est-ce que l'usage du préservatif fait partie de la zone de domination de l'homme ou de la femme ? Comparaisons avec la contraception. Place et rôle possibles du préservatif féminin ?

Activité 3. Présentation du concept d'affirmation de soi.
Savoir dire "oui" lorsqu'on pense "oui", savoir dire "non" lorsqu'on pense "non", en maintenant une attitude positive.
Résultats de l'activité : Le groupe prépare des mini-situations sur ce thème qui remporte un vif succès. Les participants disent qu'il est difficile de dire "non" en gardant une attitude positive à l'égard de la personne à laquelle on veut manifester son désaccord. La discussion s'oriente vers un parallèle avec les situations éducatives ou parentales. Le groupe s'entraîne à chercher les phrases clefs qui peuvent aider à l'assertivité.

Activité 4.
Par petits groupes, les participants sont invités à trouver des messages de prévention qui représenteraient une synthèse des thèmes explorés pendant la journée autour de la négociation et de l'affirmation de soi.

Jour 4 - Le counseling multiculturel.

Activité 1. Le counseling multiculturel
Mise en situation par deux : "Quelqu'un vient vous exposer ses croyances" (ex : la théorie du "Zombie SIDA" (1) et le désir de la personne de retourner d'abord en Haïti avant d'entamer un traitement à l'hôpital).
Consignes : Amplifiez les métaphores, restez au plus près de la logique de l'autre, dites "pouce" ou le groupe dira "pouce" lorsqu'il sentira que vous imposez votre culture dominante.

Résultats et synthèse de l'activité : Cette situation a permis de voir l'importance de la prise en compte des croyances liées à la maladie, aux modes de transmission, à l'impact des traitements. Les médecins présents ont expliqué que très souvent leurs patients faisaient d'abord appel à des guérisseurs ou à des personnes capables d'enlever les mauvais sorts avant de prendre un traitement. La prise du traitement se faisait parfois après un voyage à Haïti. On s'en remet par auto-prescription à la médecine traditionnelle d'abord, aux guérisseurs, aux médecins feuilles qui font partie de l'itinéraire thérapeutique habituel en cas de maladie.

Activité 2. La démarche de test. Répondre à une demande d'information.
Consignes : Conduire un entretien d'accueil au centre de dépistage. Une personne vient vous voir et vous dit qu'elle voudrait "des renseignements" (en 1999, le centre de dépistage a reçu 2124 visiteurs. Pour 50% d'entre eux, le motif de leur démarche était une demande d'information.).

Synthèse : Le counseling dans l'infection à VIH attache une grande importance à l'information qui est souvent le premier niveau de conscientisation d'une personne. Il est important d'explorer les modes d'appropriation individuelle de l'information reçue. L'information donnée en petits groupes dans un climat participatif est une autre approche intéressante notamment auprès des jeunes d'âge scolaire. Cette activité permet de revoir les techniques d'entretien et de les appliquer à la démarche centrée sur la demande d'informations. Cela nécessite aussi l'utilisation d'autres techniques comme le recentrage sur le contexte (Qu'est-ce qui vous amène à vous poser cette question aujourd'hui ? Dans quel contexte vous êtes-vous posé cette question pour la première fois ? Etc.)

Activité 3. Les difficultés d'observance des traitements.
Mini-exposé avec utilisation de transparents. Discussion avec le groupe.

Synthèse : Les infirmières de l'hôpital sont particulièrement intéressées par l'exposé car elles sont confrontées à de nombreuses difficultés d'observance dans tous les services de maladies chroniques et dans le service VIH. Le premier problème d'observance rencontré est le non suivi du soin et ce qu'elles appellent les "perdus dans la nature". L'hôpital a tenté plusieurs fois de remédier aux difficultés de suivi de soin des personnes séropositives en ouvrant plus de consultations réparties sur toute la semaine, en banalisant le nom du service (service de médecine interne).
Une réunion supplémentaire aura lieu le lendemain du stage à l'hôpital afin d'envisager un travail en 2001 sur ce thème à l'hôpital.


(1) Expression populaire utilisée à Haïti pour parler de séropositivité au VIH. L'expression "germe de maladies" est également utilisée.