Script du témoignage de Fabienne
Extrait du film"Infection à VIH : Témoignages sur les trithérapies "
Auteur : Catherine Tourette-Turgis, Réalisateur : Pierre Attia,
Producteur
: COMMENT DIRE (VHS 52 min.)
© 1998, Comment Dire

 

Moi je pensais, j'ai cru la télé, j'ai cru les médias, j'ai cru les médecins, j'ai cru tout le monde, j'ai fait confiance en me disant "ça y est", enfin, je suis malade depuis 1984, on est en 96 [faisant référence à l'année d'apparition des nouvelles thérapies], ça y est. Ils n'ont pas parlé du tout des effets indésirables et moi après j'ai vécu le produit et je me suis aperçue que ma charge virale n'était pas indétectable comme ils le prétendaient, que c'était lourd, très dur à gérer.

J'ai pris des médicaments différents et chaque médicament m'a apporté son lot d'effets indésirables et je peux dire même, si c'est un terme qui… mais je pense qu'il est adéquat, que ça m'a pourri la vie.

Je prenais une bithérapie et on m'en a rajouté, une antiprothéase, pour que ça fasse une trithérapie et à la suite de ce traitement, enfin, c'est à dire, même au bout du premier jour, de la première prise, j'ai commencé à avoir des brûlures dans, ici dans le larynx, le pharynx, je ne sais pas, des maux de ventre, de la fièvre, des maux de têtes, de la diarrhée, des vomissements, je ne sais pas, tout ce qu'il y a de pire et puis j'ai perdu 10 kilos en l'espace de 15 jours, et après j'étais un légume.

Il y 'a un ou deux mois en France, un médicament est arrivé tout nouveau venant des Etats-Unis, donc je l'ai commencé le 4 septembre [1998] et je devais passer à un comprimé, je le prenais à un comprimé par jour et 15 jours après, donc deux semaines après, je devais passer à deux comprimés par jour. Je me trouvais alors en vacances et quand je me suis réveillée, je me suis regardée devant la glace, j'avais des boutons partout, sauf sur le visage. On m'a dit d'arrêter tout de suite, j'ai arrêté et j'ai repris ce médicament-là, il y a trois jours et de nouveau j'ai eu un rush cutané, 40 de fièvre, des vomissements, enfin j'ai cru mourir, en une nuit j'ai cru mourir.

Bon alors, il y a certains médicaments qui se prennent toutes les 8 heures en mangeant, d'autres toutes les 8 heures à jeun, donc il faut gérer déjà ce problème là. Mais c'est vrai qu'il y a des jours où je me dis "aujourd'hui ras-le-bol, ras-le-bol", parce que je prends des médicaments depuis 8 ans et j'en ai testé plus d'un et, oui, il y a des jours où je me réveille et je me dis j'aurai pas besoin de regarder ma montre, je ne les prends pas. Des fois, c'est même pas une journée complète, c'est une prise dans la journée que je fais sauter.

[Son ami arrive du travail]

Je vous présente, il a peur de la caméra. Bon, c'était l'apparition de Joël, celui qui m'aide depuis le début et qui a appris en même temps que moi que j'étais malade et qui ne m'a pas lâchée d'une seule semaine depuis des années, depuis que je suis malade.

L'esprit n'est pas là à 100% quand on fait l'amour alors qu'il devrait y être, il y a une partie de soi qui est absente et qui pense, et qui pense " je vais le contaminer, je suis pestiférée ". Et moi, ça m'est arrivé, quand j'ai appris ma séropositivité et que mon ami sortait un préservatif, je me mettais à pleurer et je partais en courant, j'allais m'enfermer dans une pièce dans l'appartement parce que j'avais vu le préservatif, parce que pour moi le rapport c'était "préservatif égale Fabienne pestiférée".

Mon plus grand regret est le fait de ne pas avoir d'enfant. Quand j'ai des périodes de blues et que je pense aux enfants ou que j'en vois dans la rue ou que je croise des femmes enceintes en faisant des courses, j'ai la gorge qui se noue et c'est très dur.

Je lutte parce que, parce que ça fait partie de moi, je suis faite comme ça, et ce qui m'aide à tenir c'est mon amour pour la vie, mon amour pour ma mère, mon amour pour mon père, mon amour pour mon frère, ma petite nièce et mon amour pour Joël et rien que pour eux, vu que je sais qu'eux, ils vont bien quand je vais bien, ils vont mal quand je vais mal, je parle de ma mère et de Joël là en l'occurrence, j'ai pas envie qu'ils aillent mal puisque je les aime donc je fais tout pour aller bien, et je crois que c'est comme ça que j'arrive à tenir depuis si longtemps.