Extraits inédits du journal d'une formation

Ces extraits sont tirés du journal d'une formation au counseling dans le cadre de la mise en place d'une consultation d'observance en mlieu hospistalier :
cette formation constituait la phase préalable à la mise en place de la consultation consultation. Elle réunissait des médecins, des chefs de services, des infirmières et des infirmières à domicile. Il avait été prévu que la consultation d'observance serait animée par des infirmières et ce d'autant plus que l'hôpital disposait d'un temps plein de poste infirmier pour le projet à répartir sur plusieurs infirmières.
La formation avait plusieurs objectifs dont celui d'obtenir l'adhésion des médecins et leur participation active à la mise en place du projet. Elle s'est déroulée en 1999, époque à laquelle la mise en place d'une consultation d'observance reposant entièrement sur le counseling n'était pas une évidence en France.

"Comment expliquer le counseling aux médecins ? Comment faire passer cette idée de la mise en place d'une consultation d'observance ? D'emblée, dès les premières minutes de la formation, je perçois les tensions, les résistances, les conflits potentiels qui ne manqueront pas de surgir. La question est pour moi : dois-je les laisser surgir à leur propre rythme ou dois-je en provoquer l'expression au fur et à mesure ?

Après une brève présentation du programme des trois journées de formation et une tentative de brise-glace de l'atmosphère qui a envahi le groupe, je tente un bref exposé sur l'observance thérapeutique en annonçant que ces données seront en quelque sorte les éléments-clefs du rationnel de la consultation qui pourrait se mettre en place dans le service.

Tout au long de la matinée, je vais utiliser le "Je"et le "vous" pour permettre au groupe de m'utiliser comme "l'étrangère". De même, je choisis d'emblée d'utiliser une position basse dans ma stratégie d'animation. Je peux me permettre ces deux positions parce que je bénéficie de la présence de A. Lorsqu'il s'agit du dispositif à mettre en place ou de thèmes comme les critères d'inclusion, la place de l'Inserm comme institution d'évaluation de ce projet, je renvoie sur A. Cette co-animation nous est indispensable à l'une comme à l'autre et on va travailler au feeling toute la matinée. Lors de la pause, Laurence vient me voir, elle est défaite et tendue. Je la rassure en lui disant : " ne couvrons rien, il faut que les résistances et les oppositions s'expriment le plus rapidement possible, on n'a que trois jours". Je comprends aussi qu'elle souffre plus que moi car elle n'est pas précisément protégée par ce statut d'étrangère dans lequel je persiste après la pause. Je reste en retrait pendant la pause car je sais qu'il ne faut pas que je tente de masquer par des relations courtoises et amicales le feu qui couve. (…)

Les questions s'arrêtent, il est l'heure d'aller déjeuner. A. et moi rejoignons C. qui nous attend dans son bureau. On lui raconte que rien n'est gagné…que le groupe est tendu, qu'il y a des opposants au projet…Il dit qu'il n'est pas surpris, qu'il faut y aller quand même... Avec A., on se dit qu'on va passer l'après midi à travailler en sous-groupes à préparer un mini-guide d'entretien pour faire retomber l'atmosphère émotionnel du groupe et les aider à passer à autre chose. Cela me fait penser à ce que je sais des institutions : tout projet novateur provoque un dérangement, toute institution quelqu'elle soit commence toujours par résister au changement. L'hôpital est un haut lieu de passions et de conflits de pouvoir et d'autorité. Je sais déjà que je vais apprendre beaucoup dans cet endroit. Je sais aussi que je ne verrai pas grand chose de la mer et de la plage, tout sera intense, toujours, tout le temps.

La matinée a été intense et épuisante pour A. car elle était en permanence entre deux territoires. Elle a fonctionné tour à tour comme interprète, passeur, médiateur. Elle travaille donc sans filet ! En début d'après midi, j'expose non pas ce que sont les techniques d'écoute active mais quels sont les thèmes qu'il faut explorer dans une consultation d'observance et j'explique que l'usage des techniques actives et l'adoption d'attitudes de base de counseling comme l'empathie sont particulièrement indiquées pour conduire ces entretiens. J'évoque les jeux de rôle…deux médecins disent qu'il faut réserver en priorité cette activité de formation aux infirmières puisque ce sont elles qui feront ces consultations. Ces dernières sont restées silencieuses ce matin mais je sens qu'elles veulent prendre la parole… Je n'ai pas le choix, il est temps que je passe aux mises en situation, j'invite donc les personnes volontaires à venir mettre en scène des entretiens. (...) Je sens que le groupe est en train d'avancer vers une autre étape, j'utilise le fait que nous devons préparer les entretiens d'essai du soir pour demander aux participants de m'aider à en construire les prototypes et les scripts et là, fait surprenant, mais pas tant que cela, c'est le médecin le plus opposant du matin qui me vient en aide et m'aide à structurer mon travail d'animatrice de la séquence : rédaction d'un script d'entretien pilote. La dynamique du groupe se retourne...".

Journal de formation © Catherine Tourette-Turgis, 1999