Notre pratique de formation au counseling des professionnels intervenant dans les centres de dépistage mais aussi de recherche dans un programme de prévention auprès des personnes séropositives, nous a amenée à identifier quelques pièges dans l'utilisation du vocabulaire ou la formulation de certaines expressions.

 

Piège 1 .

La question est trop vague. Qu'est-ce qu'on entend par vie sexuelle ? par en ce moment ? Par exemple, pour certaines personnes "en ce moment" signifie la semaine passée, pour d'autres le mois passé, pour d'autres encore l'année passée…
En fonction des objectifs de l'entretien, essayez de préparer des questions qui y correspondent.

Par exemple, si vous voulez savoir si la personne a des rapports sexuels, demandez-lui plutôt :

Au cours des trois derniers mois, avez-vous eu des rapports sexuels ?

Et n'ajoutez pas avec un partenaire, une partenaire, car :
(1) la personne peut avoir eu plusieurs partenaires,
(2) la personne peut être homo-bi ou hétérosexuelle.

Si vraiment vous avez besoin de savoir, par exemple en cas d'infection sexuellement transmissible, si la personne a eu des relations avec plusieurs partenaires - de manière à leur proposer un traitement - vous pouvez demander :

Vivez-vous dans un couple stable ou est ce que votre couple est ouvert sur d'autres relations ? Et dans ce dernier cas, pouvez vous m'en dire plus pour que je voie avec vous les données dont nous avons besoin vous et moi pour faire le diagnostic de cette infection et évaluer les besoins de traitement des personnes concernées.

Approcher la question de la vie sexuelle par la reconnaissance des socio-styles sexuels montre notre connaissance de la diversité des modes de vie et d'organisation de la vie sexuelle. Par exemple, si vous voulez explorer le degré de qualité de vie affective et sexuelle de la personne, vous pourrez alors demander :

Sur une échelle d'auto-évaluation de votre degré de satisfaction dans votre vie sexuelle allant de 1 "je suis insatisfait en ce moment " à 10 "je suis très satisfait en ce moment ", en ce moment voulant dire dans les trois derniers mois, vous évalueriez à combien votre degré de satisfaction ?

La question est trop précise. Si monsieur X est bi-sexuel , il n'osera pas vous le dire et du coup, il se sentira mal à l'aise alors que c'est là qu'il a des difficultés et qu'il comptait vous en parler. Dites plutôt :

Au cas où vous auriez eu d'autres rapports sexuels avec d'autres partenaires, cela pourrait expliquer aussi....Peut-être d'ailleurs, serait-il mieux que je puisse vous expliquer pourquoi je vous pose cette question (option diagnostic ou option exploration des difficultés ou des besoins)...

La question est trop vague et, de plus, elle est normative. C'est une question fermée dont on a envie de se débarrasser en répondant oui. Or, dans la réalité, une personne qui utilise les préservatifs plus de 75% du temps pense vraiment qu'elle les utilise et a tendance à oublier les situations ayant posé problèmes. De même, une personne qui les utilise seulement avec certains partenaires se considère comme utilisatrice de préservatifs et oublie de remettre en question son raisonnement sanitaire.

Il est plus intéressant, si vous avez besoin des réponses à cette question de pratique de prévention, d'inviter la personne à une démarche d'auto-évaluation du type :

Vous diriez que vous utilisez les préservatifs : jamais, parfois, la plupart du temps, souvent, systématiquement ? Comment expliquez vous votre stratégie d'utilisation des préservatifs ? Varie-t-elle en fonction des partenaires ou en fonction des situations sexuelles ? Je vous demande cela parce que... (là encore, vous expliquez pourquoi vous formulez cette question !) par exemple la fellation n'est pas considérée par certaines personnes comme une situation nécessitant une utilisation du préservatif ... parce qu'on observe une lassitude dans l'utilisation des préservatifs... parce que dans les couples on finit par se lasser de l'usage des préservatifs, etc.